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L'ombre de la corne
16 janvier 2008

La cloche de l'église tinte péniblement. Personne

La cloche de l'église tinte péniblement. Personne ne se presse aux portes usurpatrices du temple du Soleil inca. Une vieille Indienne m'invite à la messe. Je refuse, ma seule religion c'est la vie. D'ailleurs, c'est aujourd'hui l'anniversaire de ma mère et j'ai l'intention de marcher vers les montagnes du sud. La mamá me suggère de visiter les ruines alentour.

Au pied d'un grand eucalyptus, à la sortie du village, je trempe mon pain dans une infusion de uña de gato. Une fillette ramasse des bouses sèches pendant que ses moutons broutent l'herbe rase. Elle jette parfois quelques pierres pour reconduire les égarés au troupeau. Dans un enclos ceint de murets, un homme perché sur un arbre fait tomber des feuilles et du fourrage pour nourrir ses deux vaches.

Le conseil municipal a lieu sur la place du village. Les haut-parleurs postillonnent à tue-tête le long discours du maire monotone et les enfants ne tardent pas à venir s'amuser autour du banc où je tente de comprendre ce qui se dit.

Dans l’après-midi, une touriste péruvienne s'assied à mes côtés sur le trône au sommet de l'ushno, la pyramide tronquée. Un monde invisible et silencieux peuple l'ancienne place déserte à nos pieds. Je suis l'Inca, elle est mon impératrice.

Derrière l'ushno, des gamins s'amusent parmi les herbes et les vestiges du palais impérial, quatre murs et cinq ouvertures aux pierres parfaitement ajustées. Plus loin encore, là où finit la colline, un cimetière. Pour connaître les vivants, mieux vaut rencontrer leurs morts. Ici, quelques sépultures en ciment se bousculent sur un étang de crottes de mouton, de cailloux épars et de bouteilles en plastique. Certaines de ces barques immobiles sont couvertes d'un manteau de peinture, bleu de la Vierge et rouge Soleil. L'épitaphe : « Ami, repose-toi sur moi » gît dessus un monticule terreux bordé de pierres, solitaire.

Des aboiements abrègent bientôt ma sieste à l'ombre d'une roche. Chapeau, nattes, dentelles et gilet rouge, une bergère accompagne son troupeau en tricotant. Des petits fils de laines colorées pendent aux oreilles des moutons. Elle me tourne le dos en faisant mine de se rhabiller, elle me laisse passer.

Une femme jeune m'apostrophe, probablement celle qui se donne pour quelques sous dont me parlaient les deux jeunes curieux d'hier soir puisqu’elle m'indique le chemin de sa maison.

Je retourne au rocher-observatoire, à quatre mille trois cent soixante-dix mètres d'altitude. Les montagnes ressemblent à des collines couvertes d’étoffes cousues. Ma tête bouillonne comme cet orage au loin qui crache des éclairs.

Au pourtour de la place, de rares lampes clairsemées. Son cœur, plongé dans l'obscurité, n'est éclairé que les jours de fête. Je dîne là, puis je me recroqueville à l'ombre d'une niche dans le mur d'enceinte du temple du Soleil. Personne ne peut me voir, je suis une momie en apesanteur dans le gouffre du temps.

Les villageois alimentent avec délectation la légende d'une Vilcashuaman de grande froidure qui fait frissonner les gens de la ville. Pas le moindre petit pot de miel pour soigner ma gorge dans la boutique familiale, les deux fillettes tentent alors de me vendre un pull tricoté par leur épicière de mère. Nous parlons beaucoup et jouons à deviner des noms d'animaux tout en buvant une aqua de hierbas de la montagne.

Enfin, je prends congé. Kenya se lève tôt pour aller à l'école, Erica pour s’occuper de la boutique.

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Commentaires
S
Beaucoup de descriptions, ça demande du coup beaucoup de concentration. C'est très bien écrit, c'est très poétique. Au début, on peut se demander où l'on va. On ne sait pas très bien où l'on veut nous emmener...On est au Pérou, certes mais on peut peut-être avoir envie qu'il se passe quelque chose à un moment donné, que le voyageur nous fasse davantage ressentir ce qu'il vit sur place face à certaines situations, que l'on soit peut-être plus "pris" dans ce qui lui arrive ? Moins de descriptions, plus de vie ? Difficile à dire...On peut avoir une impression d'ennui, peut-être. Impression qu'il manque quelque chose, mais quoi ?<br /> Après, qu'est-ce qu'un carnet de voyage ? Et quel est ce voyage qui nous est raconté ?<br /> Ca peut ne pas être facile d'"accrocher" au début.<br /> Au bout de 3 pages, on peut avoir envie de quitter le texte. <br /> Cela dit, quand on commence à s'habituer à la manière dont s'est écrit, eh bien, je dirai que soit on aime, soit on aime pas et si l'on aime, eh bien, on y est, on est au Pérou et on a envie d'en savoir plus! On est donc porté par le récit! On veut découvrir le Pérou! On se laisse "prendre au jeu" et on veut lire la suite! On peut être frustré parce que ça s'arrête comme ça...On est en attente...<br /> Merci de nous faire rêver. C'est très beau!
L'ombre de la corne
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