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L'ombre de la corne
15 janvier 2008

J'emprunte les rues embrumées par les gaz

J'emprunte les rues embrumées par les gaz d'échappement qui mènent à la gare routière. Les Etats-Unis refusent de faire des efforts pour maîtriser leur pollution, peut-être jalousent-ils les fumées d'Amérique latine, comme un frère aîné réclamerait le biberon dont seul son cadet a besoin. Ils ont peur aussi, car la culture du sud est forte. Malgré tout, miettes du vieux rêve américain, nombre de jeunes Péruviens se choisissent un prénom anglo-saxon dans l'espoir de partir. L'anglais n'en demeure pas moins une langue étrangère. J'apprends dans le journal que l'enfant capricieux entre en guerre contre l'Afghanistan. Le Chili, l'Argentine, le Paraguay et le Venezuela lui prêteront main-forte. Ils savent pourtant bien que leur présence en ce territoire stratégique ne peut laisser la Russie indifférente, ni même la Chine…

Des bombes ont été désamorcées au consulat israélien de Lima. Le chef religieux des Péruviens musulmans rappelle que le Coran condamne l'usage de la violence et que ceux qui se réclament d'Allah en commettant des atrocités ne parlent en fait qu'en leur nom propre, si l'on peut dire.

Au petit village de Vilcashuaman, je remplis le registre de l'hôtel destiné aux policiers. Ceux-ci ne tardent pas à venir, je les entends poser des questions à mon sujet pendant que je somnole dans la minuscule chambre fraîche et sombre.

J’aperçois un temple. Entre les tuiles de terre cuite se faufilent les rythmes d'un tambour hypnotique, la voix d'une femme, les réponses du chœur et de la fumée d'eucalyptus. Mon nez se remémore certaines soirées où je brûlais solitaire ces feuilles en forme d'amande pour parfumer ma maison, les mêmes que celles des jeunes arbres bleus ondoyant le long de la route qui vient ici.

Senteurs d'automne et d'hiver mélangés se réveillent en fin de journée. Depuis un rocher sur la colline, j'admire les rougeoiements du soleil contre l’énorme bedaine d'un orage qui passe au loin sur les Andes. Des hommes découpent des langues de terre à même le sol pour façonner des briques tandis que retentissent les voix joyeuses des enfants qui conduisent les moutons aux abris.

Dans une cour, à l'entrée du village, des gens dansent au chant d’une femme. Sur la petite place très peu éclairée, quelques mouflets s'attablent à l’échoppe de la  belle Indienne qui me sert du poulet frit, du chou et des papas.

Le repas terminé, je vais m’asseoir plus loin. Un homme vient discuter sous la lumière du réverbère avant d’ouvrir la porte au-dessus des marches, la porte de son bureau d'embrigadement, c'est un Témoin de Jéhovah. Je gêne, je décampe. Laissera-t-on jamais les Indiens en paix ?

Petit à petit, jeunes et vieux se regroupent. Ils me montrent la wanca, la danse du village, et me mettent en garde contre la belle et dangereuse Cuzco. Je leur parle de mon pays, leur chante quelques chansons, ils m'apprennent à jouer au poker péruvien. Deux adolescents s'intéressent de près à ce qui concerne l'argent des gringos. C'est sans commune mesure, un pantalon chez moi coûte dix fois plus cher qu'ici.

Depuis les fondations du temple inca ( à présent coiffées d'une église), les pierres du Soleil et de la Lune saluent mon passage vers le sommeil.

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