Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'ombre de la corne
29 février 2008

Un taxi m'emmène à la plage déserte. Des pêcheurs

  Un taxi m'emmène à la plage déserte. Des pêcheurs lointains tirent des lignes immenses depuis le rivage. Il y a cinq ans, je me suis baigné dans l'Océan après deux mois de marche le long de la chaîne montagneuse de Puw Sivuru. Quelques rochers surnageaient de loin en loin, comme des ricochets figés m'invitant à passer à cloche-pied vers l'autre continent. Aujourd'hui aussi je me déshabille, je m'agite et braille dans le puissant bouillon avec la joie d'un enfant. Heureux et lessivé. Je me fais servir un thé à la cannelle par la charmante patronne de la dernière paillote ouverte en cette saison sur la Playa Totorita.

  De retour en ville, sous les halles du marché central, je goûte un fabuleux cebiche mixto préparé par deux vieux amoureux. J'ai mangé des huîtres pour la première fois au soir d'une journée de baignade. Comme portée par une déferlante, l'essence de la mer se fracassa dans mon corps d'eau salée. J'étais un arbre émerveillé par les saveurs de son propre fruit. Je ressens la même chose aujourd’hui.

  J'achète une quena, la flûte droite des Andes, et une zampoña, sorte de flûte de Pan, puis je vais visiter El Carmen, le quartier où vivent les descendants des esclaves africains dont m'a parlé l'ornithologue. Le combi me dépose près d'une église jaune qui somnole sur une place déserte. Où sont la musique et la danse, les artisans et les tissus colorés ? Les gens sont aux champs, ce n'est pas tous les jours fête… Je clopine autour de la place, penaud, et saute dans le premier colectivo qui passe. Il me reste à savourer les scènes de vie campagnarde qui défilent derrière les vitres.

  (…) 

  De l'hôtel à la gare, le gros sac lourd tressaute gracieusement sur mes épaules. Bien sûr, j'arrive juste avant que l'autocar ne s'en aille.

  Dans les embouteillages de Lima, des colporteurs affublés de masques grimaçants essaient de vendre leur camelote aux automobilistes. La ville se laisse envahir par une fête qui vient du nord. Halloween est devenue el Dia de las Brujas alors cette fête existe déjà. Chaque année, au solstice d'été, sorcières et sorciers d'Amérique du Sud dansent tout le jour pour boire la puissante énergie du soleil.

  Je retourne à l'hôtel des premiers jours, l’hôtel España. La mère de Carlos est heureuse de m'entendre au téléphone, mais il va rentrer tard. La jeune femme qui répond chez Mina finit par me raccrocher au nez. Je vais donc flâner dans les rues grouillantes.

  Chez le disquaire, où je cherche les musiques de mon séjour, deux jeunes femmes se mettent à danser. Comme nos sourires se répondent, Miranda et sa prof d'anglais m'accompagnent le temps d'une balade. (…) Cette ville est moins grise qu'à l'heure de mon arrivée, je l'aime bien à présent. Elle parle beaucoup, elle aime chanter et marcher. Elle m'emmène dans un quartier populaire chercher d'autres disques. Comme le manège je-t'accompagne-tu-me-raccompagnes n'en finit pas, Miranda m'invite chez elle. Le tricitaxi monte sur la colline illuminée par la grande croix blanche et nous dépose au pied d'une ruelle en escalier que nous gravissons allègrement. La maisonnée nous accueille avec joie. A l'épicerie d'à côté, nous achetons de la bière pour agrémenter la soirée. Miranda aimerait danser. Sa mère, son frère et sa jeune tante sont d'humeur à discuter.

Quand tout le monde cligne des yeux, les deux jeunes femmes me raccompagnent jusqu'au pont qui jouxte le Palais présidentiel. Miranda me montre le kiosque à journaux où elle travaille. Demain, nous prendrons le petit-déjeuner ensemble et je m'en irai.         

Publicité
Publicité
Commentaires
L'ombre de la corne
Publicité
Publicité