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L'ombre de la corne
24 février 2008

Un jeune pêcheur lui rend visite à la fraîche, il

  Un jeune pêcheur lui rend visite à la fraîche, il aimerait entendre une chanson. Un peu plus tard, le voyageur défait son sac pour jouer de la guitare aux enfants de l'épicier. La famille ravie l'invite à petit-déjeuner de pain, de grenades et de café dans la cabane au fond du jardin.

C'est en passant par Santa Teresa qu'il entend pour la première fois des gamins lui dire : « Caramelos ! » en guise de bonjour. Les touristes sont passés par là.

Un homme et une femme près d'une cascade lui déconseillent d’en remonter le cours, le chemin pour Machu Picchu est un peu plus loin. Quelque temps après, il discute avec un colporteur flanqué d'un énorme sac bourré d'articles de ferblanterie lorsque l'homme de la cascade les rejoint en s’exclamant, ils se trouvent à l'endroit même où grimpe la voie vers la cité oubliée.

  Malheureusement, elle se dilue bientôt dans une douce semi-jungle. Un peu de hors-piste, quelques dérapages et il se retrouve sur le flanc dégagé d'une colline. Un homme et son garçon malicieux arrivent à contresens et lui suggèrent de rebrousser chemin. Celui-ci n'est pas le bon, ils vont lui montrer. L'enfant, le père - joue ronde de coca, machette à la ceinture - et le voyageur égaré grimpent en silence. L'improbable sentier débouche sur un autre qui ne permet aucun doute. Les passeurs descendent, le plus jeune à présent mâchouille du chewing-gum à la menthe de Lima.

Le voyageur piétine dans la boue pour atteindre le col de la belle crête qu'il admirait depuis Playa. Soudain, sans l'avoir jamais vue, il reconnaît Machupiqcho. Un énorme torrent s'échappe du flanc d'une petite sœur de la Vieille Montagne, un fleuve diluvien étrangement proche du sommet. Il déjeune face au massif puis entreprend de descendre jusqu'aux portes du mystère. La pente raide, les lacets anguleux et la terre détrempée occasionnent de jolies glissades.

  Un paysan engrange des régimes de bananes, une femme trie des grains de café en écoutant ses deux enfants qui sourient à l'inconnu qui passe. Un pont de planches, de poutres et de câbles traverse la rivière et dépose le voyageur sur un désert de cailloux gris. Des dizaines de petits elfes noirs l'accompagnent vers le torrent rugissant qui se fracasse en un halo de gouttelettes irisées. Il flotte une odeur d'essence au-dessus des pierres. Une plaie noire suppure sous les coups de griffe des bulldozers, une route goudronnée qui cisaille la terre jusqu’à la centrale hydroélectrique Machu Picchu en cours de rénovation. 

  Il aperçoit la gare, le terminus, le fameux kilomètre 120. Juste quelques échoppes bâchées de plastique bleu, pas de bâtiment, juste un petit marché incongru autour des rails. Trois minutes plus tard, le grand œil lumineux d’une locomotive surgit au front d'un sillage de fumées et de grincements. Il laisse partir le train. Les traverses de bois décident de sa démarche, pas longs et courts se succèdent sans logique. Le bâton qui glisse sur le fer et heurte les embûches rejoue les rythmes du train. Combien de nuits adolescentes l'ont vu déambuler sur des rails, devisant et décortiquant le monde avec Ryga ? Aujourd'hui, son ami marche à ses côtés, invisible pour qui ne sait voir les sentiments. Le voyageur remonte l'Urubamba comme il remonterait le cours du temps.

Un vieux wagon à la retraite se repose silencieusement près d'une petite épicerie-bar déserte. Deux garçons charrient du bois pour aider leur père. Des marcheurs sur rail reviennent d'en haut le visage baigné de sueur. Des chiens aboient dans les plantations de bananiers. Sur une haute cime, une volée de perroquets verts se pose puis jase. Le soleil se faufile dans les cheveux du voyageur. A la station Machu Picchu, il franchit le pont qui enjambe la puissante rivière et installe son campement minuscule près d'un hôtel en construction.

Au-dessus de sa tête dorment les pierres dont il pressent la magie tentaculaire.

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L'ombre de la corne
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