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L'ombre de la corne
12 février 2008

(…) Je m’assieds près du pilote au visage brûlé,

(…)

Je m’assieds près du pilote au visage brûlé, sûrement bon passeur puisqu’il a survécu aux flammes. Un couple s’installe à l’arrière. Le vieux coucou appuie ses ailes sur le vent et bientôt apparaissent les fresques fabuleuses : l’œil d’une baleine, l’homme à tête de chouette que l’on appelle l’Astronaute, un colibri, une araignée, un condor, un flamant rose, un perroquet, un arbre, un singe à queue enspiralée, la grenouille surnommée las Manos, les Mains. Personne ne connaît la fonction de ces géoglyphes, si jamais ils en avaient une. Selon Maria Reiche, ils servaient de calendrier en figurant des constellations utiles à la vie agricole. Pour d’autres, les lignes représentent des chemins sacrés menant aux symboles magiques et animaux-totems de différents clans. Ce serait encore des signes informant de la présence d’eau souterraine, voire même des pistes d’atterrissage pour astronefs venus d’une autre galaxie. 

L’avion revient au sol, je reste là-haut.

(…) Dans le jardin du musée, trois perroquets verts sifflent et parlent au-dessus des tombes et de l’aqueduc en pierres rondes. (…)

Victoria Nikitzki m’a proposé de rencontrer un potier de ses amis, mais elle n’est pas dans sa maison. Au crépuscule, de gros chiens perchés sur les toits aboient après ceux qui les regardent avec trop d’insistance. Le lit sec de la rivière exhibe sa couverture d’immondices. Des jeunes gens jouent au volley près du terrain vague enfumé où de grosses bagnoles américaines s’abandonnent à leur décrépitude.

Je trouve l’atelier du potier. Issu d’une famille de magiciens de la terre, il façonne des pièces identiques à celles de ses ancêtres. Sa mère feuillette le catalogue du musée de Lima. Soudain, j’aperçois six constellations surgir du papier glacé. Chakana, l’Escalier, c’est la Voie Lactée. La Croix du Sud, elle, porte le nom de Waqra Llantu.

Sous les étoiles qui chuchotent les tours de force du hasard et du temps, je repars avec un poisson-trophée en terre cuite, une offrande pour les morts, un présent pour mon père vivant.

Du haut de son piédestal, une télévision assourdissante hypnotise quelques proies engluées sur la place centrale. Victor le chauffeur est adossé au mur de l’hôtel. Deux jeunes filles me sourient en passant, il dit que je peux passer la nuit avec elles pour vingt soles. Je lui demande de m’indiquer plutôt un bon endroit pour boire un Pisco sour.

Dans un petit bar désert, une fraîche mousse laiteuse prête son goût à mon euphorie solitaire. Waqra Llantu, l’Ombre de la Corne Sacrée.

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