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L'ombre de la corne
27 janvier 2008

Angel me téléphone dans la matinée, il

Angel me téléphone dans la matinée, il m'accompagnera peut-être jusqu'aux ruines de Sondor où les Chancas  faisaient leurs sacrifices.

Sinatra, le fameux ami des mafiosi, chante doucement dans les haut-parleurs de la banque, c'est rassurant.

Bâton de police à la main, un œil sur la marchande de bonbons, la petite Caterina paye sa scolarité en aidant ses compagnons à traverser la rue.

Des paysans hissent un cochon sur le toit du colectivo dans lequel je grimpe.

Sondor est une colline ceinturée de huit murs concentriques. Je ramasse un caillou sur la première des hautes marches qui mènent à la pierre du sacrifice, je le sens battre contre mon cœur. Je suis celui qui va mourir. Des visages familiers accompagnent mes derniers pas, ils portent leurs plus beaux habits. Trouverai-je la force d'accomplir l’ascension, puis le courage de m'allonger sur la pierre? Sommets enneigés, crêtes gigantesques qui plongent dans des abîmes vertigineux, le lac qui scintille, un rapace près de mon épaule, intercesseur des immensités. Toute la beauté du monde se donne ici. La mort devient belle, elle a une place.

Les Incas polissaient si parfaitement la pierre que leurs ouvrages semblaient monolithes ; bien avant eux, les Chancas mettaient de la terre entre des blocs non taillés. A présent qu’elle s’est érodée, des murs de dentelle minérale s'ébrouent sur les alpages.

Je descends jusqu'à la laguna de Pacucha. La journée de travail est terminée, les paysans se reposent et me saluent amicalement. Une femme se met à rire franchement, peut-être parce que je me déplace à pied, comme tout le monde. Il est trop tard pour rentrer en ville, les bus ne passeront plus maintenant. Un hôtel languit au bord de la rive. Le gérant finit par me rejoindre au jardin et ajuste ses tarifs afin que je puisse payer demain le trajet du retour. Un peu de pain, un peu d'eau et de chocolat, je dîne seul dans l'immense bâtisse déserte. L'électricité est coupée. 

Le nez dans les étoiles, je me demande qui saura me dire le nom quechua de la Cruz del Sur et surtout ce qu'elle signifiait pour les Anciens.

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Commentaires
M
J'aime bien le magnétisme du passé qui emmène avec lui le narrateur ..
L'ombre de la corne
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